Comité “Ecole de la rue Tlemcen”

 

Cinéma et mémoire

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Le cinéma dans le cartable et le Comité Tlemcen.


Du Cinéma dans le cartable, association loi 1901, a été créé en 1985 par des enseignants pour organiser des séances de cinéma, le matin à 9 heures, dans les salles de cinéma de quartier, pour les enfants des écoles élémentaires ZEP des 11e, 18e, 19e et 20e arrondissements de Paris.

Le cinéma est utilisé comme un outil permettant d’aborder un thème de société dans toutes les écoles en même temps, aidant les enfants issus de plus de 30 pays, de cultures et de langues différentes, à mieux comprendre le monde dans lequel ils vivent. Les images leur permettent de donner du sens aux mots en découvrant des pays, des paysages, des rituels, des personnages, des comportements sociaux qui leur sont étrangers et d’avoir des informations sur ce qu’ils ne peuvent connaître.

Quand Pierre m’a demandé, en 1999, de programmer des films, pour sensibiliser les enfants aux cérémonies de poses de plaques dans le vingtième arrondisement, j’assistai à une réunion du comité et fus immédiatement conquise par le projet. Je venais de découvrir un film finlandais tiré d’une biographie de Uri Orlev : « Une île, rue des oiseaux » qui racontait sa survie dans le ghetto de Varsovie pendant la dernière guerre.

Je programmai donc six séances de « L’étoile de Robinson », au MK2 Gambetta, pour les écoles élémentaires de Belleville Ménilmontant. Trois mille enfants et leurs enseignants partagèrent le sort d’Axel, petit garçon de 11 ans, traqué par les nazis et échappant à la mort par miracle. Avec lui, ils ont vécu la peur, l’humiliation, la faim, le froid, l’angoisse permanente de l’enfant caché qui n’a plus aucun droit ni aucune protection, parce qu’il est né juif.

Grâce aux images et à l’émotion partagée, ils ont pu se rendre compte de ce qu’avaient vécu les enfants juifs de leur école sous les mêmes lois nazies.

A chaque séance, la présence d’un membre du comité, ancien déporté ou enfant caché, apportait le lien entre la fiction de l’écran et leur vécu « pour de vrai » quand ils étaient écoliers en 1942 dans les écoles de notre quartier...

Le cinéma dans le cartable a ainsi accompagné chaque cérémonie de poses de plaques :

- en 2000 avec « La Vie est belle » de Bégnigni,

- en 2001 et 2003 avec « Le Sac de billes » de Jacques Doillon, d’après le récit de Joseph Joffo,

- en 2002 avec « Le Vieil homme et l’enfant » de Claude Berry (film autobiographique) et

« l’Etoile de Robinson » de Soren Kragh-Jacobsen.

Chaque séance était préparée, en amont, dans chaque classe, par des fiches distribuées à chaque enfant, lues et expliquées par l’enseignant, et par une lettre expliquant ce qui s’est passé dans le XXe, pour les enfants juifs, en 39 / 45. J’y parlais de Jo, de Rébecca ou de Rachel, qui sont devenus le grand-père ou la grand-mère qu’ils allaient voir dans la salle de cinéma ou lors des témoignages dans leur classe.

Au début de chaque séance, les enfants avaient l’habitude d’établir un silence parfait, pour me permettre de leur dire pourquoi j’avais choisi ce film et en quoi il allait les faire grandir dans leur tête. Pour ces séances spéciales, ils devaient prendre conscience de l’horreur de l’antisémitisme et du racisme qui conduit à bafouer les lois d’égalité, de liberté et de fraternité.

Après les séances, c’était à chaque enseignant de prendre le relais dans sa classe et de répondre à toutes les questions des enfants, organiser des débats, des recherches, des expositions ou des lectures.

Le Cinéma dans le cartable a également organisé des séances d’accompa-gnement de poses de plaques pour les écoles du 10e, du 11e, et du 18e. Au total, ce sont plus de 20 500 enfants de primaire qui ont vu un de ces films. La séance la plus impressionnante fut celle organisée avec Addy Fuchs (comité du 11e) en 2001, au grand REX prêté généreusement par son propriétaire Mr Bruno Blankaert, que je remercie sincèrement. Je suis encore étonnée et émue du silence des 2300 enfants et de leurs 200 accompagnateurs, lors de la présentation de « L’Etoile de Robinson » sur la scène du grand Rex. Je tenais la main de Jo Nissenman, bouleversée par ces enfants de tous les pays qui, en lui rendant hommage, rendaient hommage à ses petites soeurs et aux 11000 enfants juifs de France, morts en déportation.

Je veux aussi évoquer une autre séance mémorable, organisée pour le collège « Françoise Dolto » du 354 rue des Pyrénées. La principale, madame Jungman, avait convié tous les élèves de la 6e à la 3e à venir voir « L’Etoile de Robinson ». Les professeurs, tous de service d’encadrement, s’attendaient au pire, n’ayant jamais eu une expérience de cette envergure. Contre toute attente, après une entrée agitée, bruyante, contestataire, les adolescents ont été durant cette séance, exemplaires d’écoute, de gravité et de respect de l’autre. Aucun n’a quitté la salle, ni perturbé la projection, neutralisant par leur sérieux deux adolescents provocateurs qui, au début du film, tentèrent de déclencher un chahut. La sortie du cinéma fut étrangement calme, de même que le retour au collège. Comme si les jeunes collégiens, en majorité musulmans, avaient mal d’abandonner un petit juif dans une Pologne encore occupée par les barbares nazis.

Avec le comité Tlemcen, j’ai organisé 23 séances au cinéma Gambetta. Toutes ont été suivies avec gravité et émotion par les enfants et les enseignants. Tous ont partagé le malheur des enfants juifs cachés ou déportés durant cette période infâme et douloureuse du gouvernement de Vichy. Beaucoup ont versé des larmes de compassion et d’empathie. Puissent-ils en garder la mémoire, pour vivre ensemble sans haine et sans racisme et la transmettre à leur tour.

Pauline Davranche-Carasso.


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